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ECCLESIASTE

Il y a un temps pour chaque chose.
Il y a un temps pour naître
et un temps pour mourrir.
Il y a un temps pour pleurer
et un temps pour rire.
Il y a un temps pour se taire
et un temps pour parler.
L'homme traverse la vie comme une ombre.
Celui qui a peur que vienne le vent ou la pluie ne pourra jamais semer ni moissonner.
J'ai découvert aussi que les hommes peinent et s'appliquent dans leur travail uniquement pour réussir mieux que leur voisin.
Cela est aussi inutile que de poursuivre le vent.
Bien sûr, l'insensé qui se croise les bras se laisse mourir de faim.
Mais il vaut mieux s'accorder un peu de repos que s'éreinter à un travail qui n'a pas de sens.
Deux hommes associés sont plus heureux qu'un homme solitaire.
A deux ils tirent un bon profit de leur travail. Si l'un d'eux tombe, l'autre le relève. Par contre celui qui est seul est bien à plaindre, car s'il tombe il n'a personne pour le relever.
Lorsqu'on peut dormir à deux on se tient chaud, alors que celui qui est seul n'arrive pas à se réchauffer.

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L'europe est-elle chrétienne ? interview par Isabelle de Gaulmyn et Jean-Christophe Ploquin

L'europe est-elle chrétienne ? interview par Isabelle de Gaulmyn et Jean-Christophe Ploquin

Olivier Roy, politologue, professeur en science politique à l'Institut universitaire européen de Florence


L'europe est-elle chrétienne ? interview par Isabelle de Gaulmyn et Jean-Christophe Ploquin 
   
Vous êtes connu comme spécialiste de l'islam politique. Pourquoi ce livre sur le christianisme européen ?
Olivier Roy : En réalité, mes premières recherches ont porté sur le christianisme. Mon livre La Sainte Ignorance (Seuil, 2008) a suscité beaucoup de débats dans les milieux chrétiens. Aujourd'hui en Europe, on assiste à tout un mouvement qui met en avant l'identité chrétienne pour l'opposer à l'islam. Or je suis convaincu que le problème de l'islam, en Europe, est l'arbre qui cache la forêt : il y a des tendances de longue durée qui remontent loin en amont de son surgissement. Ce n'est pas l'islam qui a vidé les églises, et les catholiques en France n'ont pas manifesté contre l'islam, mais contre le mariage pour tous. Ma question est donc de savoir à quoi correspond cette fameuse « identité chrétienne » européenne.
Justement, peut-on encore parler d'une Europe chrétienne ?
O. R. : L'Europe continue à se percevoir comme chrétienne. Mais la sécularisation a fait place à une profonde déchristianisation. À partir de 1968, l'Europe connaît un changement anthropologique majeur qui sépare profondément les valeurs de la société de celles du christianisme. La vraie déchristianisation n'est pas tant une chute de la pratique que la référence à une nouvelle anthropologie centrée sur le désir individuel, totalement contraire au christianisme. En revanche, et c'est tout le paradoxe, dans tous les pays, à l'exception de l'Angleterre, une majorité d'Européens continuent à se dire chrétiens. Mais cela n'a plus rien à voir avec la foi. On constate au contraire une ignorance totale des éléments de base du christianisme.
Le discours sur l'identité chrétienne n'est-il pas le signe d'un retour du religieux ?
O. R. : Ma thèse, c'est que ceux qui se revendiquent d'une identité chrétienne sans se référer aux valeurs chrétiennes accélèrent la déchristianisation. Ceux-là mêmes qui veulent promouvoir des racines chrétiennes ne prêchent absolument pas un retour à la foi, ils ne sont eux-mêmes pas pratiquants. Cela n'a rien à voir avec la religion.


Les tenants du populisme sont très éloignés des valeurs chrétiennes, ce sont eux aussi des enfants de 1968.
Le populisme d'aujourd'hui n'est pas un retour à l'ordre moral. S'il reprend des éléments de culture catholique, c'est pour faire face à l'islam.
Cela a conduit les épiscopats italien, polonais ou allemand à prendre leur distance avec les partis qui demandaient, par exemple, de remettre les croix dans les lieux publics.
Le populisme a pour conséquence une folklorisation du religieux. Et finalement son expulsion de l'espace public comme religion.
Pourtant, la religion n'a-t-elle pas besoin de lien avec la culture ?
O. R. : Oui. Or, aujourd'hui, le divorce entre la communauté de foi et la culture est grand. Benoît XVI et Jean-Paul II ont été très clairs là-dessus. Pourtant, l'Église catholique continue à se réclamer de ce lien entre culture et foi. On vit aujourd'hui en Europe une crise culturelle beaucoup plus qu'une crise religieuse. Et certaines religions comme le salafisme et l'évangélisme surfent sur cette déculturation générale. Le divorce est beaucoup plus douloureux pour le catholicisme. Face à cette culture qui lui est devenue si étrangère, sa question est de savoir comment se situer dans la société.
Vous évoquez trois attitudes possibles : le repli, le combat politique, ou le retour sur des valeurs.
O. R. : Mon expérience italienne m'a permis de discuter avec les responsables de communautés catholiques de laïques, comme Sant'Egidio, les Focolari ou Communion et Libération. Ces derniers ne nient pas être devenus minoritaires en Italie. Mais, et en cela ils suivent l'enseignement du pape François, ils expliquent que le catholicisme doit arrêter d'intervenir à partir de la normativité, de la loi. En revanche, il doit proclamer, haut et fort, les valeurs.
La « reconquête religieuse » n'est pas possible. Car celle-ci passerait par une révision des normes (IVG, mariage pour tous, etc.), et ne peut le faire qu'en s'appuyant sur les populistes. Or, comme je l'ai déjà dit, ces derniers peuvent consentir une alliance stratégique, mais sur les normes ils sont eux aussi les enfants de 1968, et ne reviendront pas dessus. Dit plus cyniquement : l'Église n'est de toute façon plus en mesure d'imposer la norme. Si elle l'impose, ce sera par l'intermédiaire des populistes qui vont discréditer le message.
Je cite dans mon livre le père Paolo Dall'Oglio que j'ai rencontré deux mois avant sa disparition, et qui m'avait beaucoup impressionné. Il m'a dit : « On ne doit pas apparaître comme des législateurs, on doit apparaître comme des prophètes. » Les Européens ont besoin de référence morale, ils n'ont pas besoin d'une guidance. Nous sommes dans une société où il n'y a plus de débat sur les valeurs, mais uniquement sur les normes, de manière conflictuelle. Or l'être humain ne peut se passer de valeurs spirituelles. Si on supprime la transcendance du débat public, elle risque de revenir par la fenêtre, sous des formes dangereuses: nihilisme (théorie apocalyptique, transhumanisme), ou bien radicalisme religieux violent.
 
En fin d'ouvrage, vous plaidez pour que sociétés européennes et valeurs chrétiennes se retrouvent.
O. R. : Il faut repenser le projet européen dans toute sa généalogie. Ce sont majoritairement des chrétiens qui ont fondé l'Union européenne. Il ne s'agit pas de revenir à un christianisme affiché, mais à un certain esprit du christianisme. L'Église doit reprendre le magistère moral, et non proposer un programme pour législateur. Elle n'a pas à faire de lobbying politique.



Tags : Religion et spiritualité, Christianisme, culture
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#Posté le dimanche 02 janvier 2022 06:17

Modifié le dimanche 02 janvier 2022 08:30

« L'Europe ne sait plus quoi faire du christianisme »

 
 
« L’Europe ne sait plus quoi faire du christianisme »
 François Jullien, chez lui à Paris, le 6 avril dernier. Éric Garault/Pasco and co pour La Croix
 
François Jullien
Philosophe et sinologue

Le philosophe ravive les « ressources du christianisme », à partir d'une relecture passionnante de l'Évangile de Jean. Sans se prononcer sur la foi.
 
En publiant le petit livre sur les Ressources du christianisme (1), vous surprenez votre
monde.
Comment en êtes-vous arrivé à vous intéresser à la pensée chrétienne ?
François Jullien : Parce que je pense qu'il y a un problème. C'est même un problème politique.
L'Europe a du mal, aujourd'hui, à se construire, car elle a cette « affaire chrétienne » dans les
mains et elle ne sait pas quoi en faire. Cela l'embarrasse. Regardez la péripétie du préambule de la Constitution européenne, entre 2001 et 2004. On a voulu définir l'identité européenne. Les uns ont dit qu'elle avait des « racines chrétiennes » ; les autres, laïques.
Entre la tradition des Lumières et la tradition chrétienne, on n'a pas voulu choisir. Et on n'a rien su dire, alors que, justement, l'Europe, c'est cet écart ouvert par le christianisme entre la foi et la raison.
L'Europe est en panne, car elle ne sait pas gérer cette affaire chrétienne qui est en elle, avec
des églises qui ne sont pas pleines et, néanmoins, un fait chrétien que tout le monde porte plus ou moins en lui.
Vous êtes d'emblée frappé par la langue utilisée par le christianisme pour rendre compte de son message.
F. J. : La première grande singularité du christianisme, c'est que le témoignage du Christ est
exprimé, dans les Évangiles, en langue grecque, et non en hébreu, ni dans l'araméen que parlait le Christ. L'enseignement chrétien s'est trouvé ainsi détaché de son appartenance linguistique originaire.
Les Évangiles désolidarisent le message chrétien de la langue dans laquelle il a été certainement prononcé par Jésus, ce qui donne au christianisme, d'emblée, une vocation universelle.
Vous avez travaillé particulièrement sur l'Évangile de Jean. Pourquoi ?
F. J. : Parce qu'il présente une forme de radicalité que l'on ne trouve pas dans les trois Évangiles synoptiques. Jean ne cherche pas à convertir, à la différence de Paul ; il n'est pas idéologue.
Il s'intéresse à ce qui advient, ce qui permet l'événement, son surgissement. C'est avec Jean
que je trouve le plus de ressource pour moi, et où l'écart réalisé par le christianisme vis-à-vis de toutes les autres pensées est exprimé avec le plus de radicalité.
Justement, quel est cet écart fécond du christianisme dont vous parlez ?
F. J. : Le Christ est totalement homme et totalement Dieu. C'est une contradiction flagrante. C'est là, je trouve, le plus extraordinaire de l'intelligence chrétienne, moi qui ai passé mon temps entre les Grecs et les Chinois.
Dans son Évangile, Jean permet de faire entendre la nouveauté, l'inouï. Dieu part du Dieu éternel pour mourir en esclave sur la croix. Dieu crée ainsi un écart au sein de lui-même.
Il ne s'immobilise pas dans une essence de Dieu, qui serait un Dieu mort. C'est toute la singularité du christianisme, cette part d'homme à l'intérieur de Dieu.
Dans les Évangiles, Dieu se défait
de lui-même pour se promouvoir.
En quoi cela peut-il être une ressource pour aujourd'hui ?
F. J. : Parce que l'écart oblige à sortir de l'attendu, du convenu.
Les Grecs ne parlent pas de l'écart, mais de la différence. La différence range, elle sépare par la distinction. L'écart fait l'inverse : il pose la question de savoir jusqu'où va cette distance.
L'écart dérange, et ne range pas. Il a une vocation exploratoire, il fait découvrir. L'écart ne laiss pas tomber l'autre, il maintient l'autre en regard.
L'écart ce n'est pas un « gap », un fossé. Au contraire l'écart permet de faire apparaître de « l'entre », de l'altérité, où un commun est possible.
Dans un couple, par exemple, il faut savoir recréer de l'altérité, pour renouveler la rencontre.
Quel est ce « vivre » que promeut le christianisme ?
F. J. : Jean en parle bien avec l'épisode de la Samaritaine, qui donne au Christ à boire (Jn 4, 5-42). Il distingue la vie en tant que simplement être en vie, être animé (psuché), de la vie que l'on
a en soi, en plénitude (zoé). La Samaritaine part du premier sens de la vie, la vie vitale donnée par l'eau qui abreuve. Puis elle parvient à la vie, comme source de vie, « effectivement vivante », que j'appelle la vie surabondante. Jésus n'ouvre pas une autre voie, mais il enseigne à entendre autrement, spirituellement, la vie.
Spirituellement ?
F. J. : Attention, la spiritualité, aujourd'hui, c'est une grande poubelle, où l'on met tout et
n'importe quoi. Pour moi, le spirituel a un sens profond. Toute la question de Jean, c'est de savoir comment ne pas en rester au vital pour déployer la vie en moi dans son essor, jaillissante et surabondante.
Or cette question est bêtement tombée, aujourd'hui, du fait du retrait du religieux, sous
la coupe de ce que l'on appelle le développement personnel. Pourtant, le christianisme permet de redonner une tenue et une intelligence à la façon de penser comment promouvoir, en soi, la vraie vie.
Vous y voyez une éthique de vie...
F. J. : Il y a une dimension éthique essentielle au christianisme. « Exister », c'est, étymologiquement, « se tenir hors ».
L'homme est le seul être vivant à pouvoir se tenir hors de son environnement.
Le sujet humain est à la fois dans le monde et hors du monde. On le voit très bien dans l'épisode de la femme adultère : le fameux « Que celui de vous qui est sans péché jette le
premier la pierre contre elle » (Jn 8, 7) évite le jugement où s'enferme le monde. Il fait un trou
dans le système.
Certains estiment que le christianisme mène à vivre en dehors du monde...
F. J. : Jean dit « Ma royauté n'est pas de ce monde », que l'on peut effectivement lire comme le refus du monde. Je pense que c'est une erreur, car l'évangéliste fait entendre autre chose. Il n'y a pas rejet du monde, car Dieu aime le monde. Mais le monde signifie une totalité d'appartenance. C'est donc une forme de clôture. Exister, au sens chrétien, invite, tout en étant dans le monde, à se tenir hors du monde. C'est non seulement une formidable ouverture,
c'est la seule possibilité de vraie rencontre.
Dans Jean, le Christ dit à ses disciples : « Je me retire, et je viens vers vous. » Dans le texte grec, les deux parties sont simultanées.
On devrait traduire ainsi : « Par mon retrait, je viens vers vous. » C'est comme l'amour : il
faut se séparer pour revenir. Pour accéder à l'intime de l'autre. La rencontre de l'autre se fait hors du monde. Un ailleurs d'où vient l'autre. Jésus ouvre en ce monde
une autre dimension ou, pour mieux dire, la dimension de l'Autre.
Vous vous situez volontairement en dehors de la foi. Mais cet Autre, que l'on rencontre hors du monde, n'est-ce pas Dieu ?
F. J. : Cela ne me gêne pas qu'on le nomme Dieu. Il y a deux pensées de l'autre : soit l'autre est défini comme l'opposé du même.
Ce qui est en face, différent du même. Soit l'autre est extérieur à soi : c'est l'Autre hébraïque et chrétien, celui qui ne peut s'intégrer, l'Autre que l'on ne peut que rencontrer. Toute la Bible, c'est le récit de la rencontre de Dieu en tant qu'Autre.
Pourquoi dites-vous que l'Europe est en panne du christianisme ?
F. J. : La ressource du christianisme, c'est la possibilité de sortir de soi, de ne pas se replier
sur cette clôture de soi. C'est un enjeu politique que de penser l'autre ainsi, comme celui qui me permet de sortir de moi. L'espace politique n'est pas que le monde.
Il y a un idéal, et c'est dans cet idéal que je peux rencontrer l'autre. L'idéal, c'est un mot qui
décrit une géographie de l'Europe.
L'Europe n'a plus d'idéalité qui la porte, elle est devenue une négociation de petits marchands.
On a perdu l'altérité, d'où le repli communautariste, avec tous ses fruits vénéneux.
Recueilli par Isabelle de Gaulmyn et Antoine Peillon

(1) Ressources du christianisme,
L'Herne, 2018, 128 p., 8,50 ¤. Dédié à
Pascal David, frère dominicain, chargé d'enseignement en master à la faculté de philosophie de l'université catholique de Lyon, auteur, entre autres, de Penser la Chine.
Interroger la philosophie avec François Jullien (Hermann, 2016),
directeur éditorial de l'ouvrage collectif
En lisant François Jullien. La foi biblique au miroir de la Chine (Lethielleux, 2012).
 
 
repères
François Jullien

Naissance le 2 juin 1951,
à Embrun (Hautes-Alpes).
Ancien élève de l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (Paris), agrégé de philosophie
(1974), docteur d'État en études extrême-orientales (1983).
Professeur des universités,  il est titulaire de la chaire sur l'altérité créée à la Fondation Maison
des sciences de l'homme.
En 2010, il a reçu le prix Hannah-Arendt pour la pensée politique et, en 2011, le grand
prix de philosophie de l'Académie française pour l'ensemble de son oeuvre.
Une trentaine de ses quelque quarante essais ont été traduits en allemand, italien,
espagnol, anglais, chinois
et vietnamien.
Tags : tribune, Christianisme
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#Posté le lundi 11 juin 2018 08:43

Modifié le lundi 11 juin 2018 09:43

Se lier pour se libérer, entretien avec Rémi Brague philosophe

 
Se lier pour se libérer, entretien avec Rémi Brague philosophe
Se lier, n'est-ce pas aujourd'hui anachronique ?
 La société contemporaine me donne l'impression que chacun se conçoit soi-même comme une forteresse assiégée. La personne, enfermée en ellemême, envoie vers les autres des tentacules pour les capturer. Les gens sont comme braqués les uns sur les autres, essayant d'être à la fois des objets de désir, voulant que l'autre les envie, et cuirassés. Le « quantà-soi » devient ainsi un « tank-à-soi ». Chacun est blindé et, en même temps, désire être désiré. Le seul lien qui reste est alors une chaîne. Il s'agirait de tenir les autres en respect et en laisse. L'amour, c'est le contraire. Il ne peut pas ne pas accepter le risque qu'il y a à se livrer.
Si un de vos étudiants vous expliquait, au nom de la liberté, son refus de tout lien avec une religion, que lui diriez-vous ?
Rémi Brague : Refuser tout lien, c'est vite dit. On prêche un monde de flux, « liquide », mais, à l'intérieur de cette « soupe », on souhaite former des grumeaux, avec ceux qu'on veut, au moment où on veut, pour la durée qu'on veut et dans les conditions qu'on veut. C'est très sensible sur le plan affectif ou familial.
Je répondrais donc à mon étudiant qu'il va seulement glisser à la surface de sa vie. Et finir insatisfait. Au lieu de se détacher de tout lien, il sera enchaîné à son pauvre petit ego racorni.
C'est dur !
R. B.: Oui. Mais est-ce faux? Puis, je poursuivrais avec le Deutéronome: « Choisis la vie ! » Quand j'étais adolescent, je trouvais cela idiot : que peut-on choisir d'autre que la vie?
Mais je constate que beaucoup choisissent ce qui conduit à la mort, sans le vouloir, ni le savoir. Choisir la vie ne va pas de soi, et suppose d'accepter le lien libérateur.
Le christianisme n'est-il pas trop exigeant à vivre ?
R. B. : Le fait que quelque chose est exigeant n'est pas forcément une objection.
Regardez le sport, le fitness, le bodybuilding. On est prêt à faire des sacrifices, pour se transformer, pour être à la fois désirable et capable de se défendre. Curieusement, on a du mal à se fonder sur ce modèle pour concevoir le reste de la vie.
Lorsqu'il s'agit de sortir, de se décuirasser, de se livrer, pourquoi avons-nous tant de mal ?


Parce que ce serait perçu comme une atteinte à la liberté individuelle ?
R. B.: Cette liberté-là serait celle du taxi: un taxi « libre » est vide, ne va nulle part, est prêt à se faire prendre d'assaut par n'importe qui, qui le mènera n'importe où. Je ne trouve pas cette liberté-là intéressante. Je lui préfère la liberté de prendre son propre volant, d'aller quelque part, de s'engager vraiment.
Je préfère une 2CV que je conduis moi-même à une Lamborghini taxi.
Celui qui va quelque part pense à la destination et pas à lui.


Mais un certain discours public nous dit : « Pour être libre, ne vous liez pas. »
R. B. : Ce discours public a tout faux. Pourquoi le tient-on ? Parce que cela favorise la consommation. Elle suppose non seulement la liberté du taxi, mais la liberté du Caddie. Lui aussi est vide, et il va se remplir de tout ce qu'il va croire vouloir, à la suite des sirènes de la publicité. Le marché est ainsi le pire ennemi de la liberté.


Alors même qu'il s'en réclame ?

R. B. : Exactement. On parle du « libreéchange ». Mais il y a aussi la « chute libre ».
Spinoza l'a dit : si la pierre était consciente, elle croirait qu'elle tombe librement.
L'ivrogne croit qu'il boit librement.


 
Dans ce contexte, quelle est la singularité de la foi chrétienne ?
 
R. B. : Toute la pensée chrétienne repose sur l'idée du don, fait à l'homme, et à la réponse que celui-ci peut lui apporter.
Dans le système que j'évoque, il n'y a pas de retour possible. Dans la mesure où l'on se donne tout entier, il doit y avoir quelque chose de stable, et qui doit résister à la « soupe » dont j'ai parlé.
 
Il s'agit donc bien d'un lien ?
 
R. B. : Absolument. C'est un lien voulu, reçu, capable de libérer.


 
De quelle manière ?
 
R. B. : « Livrer » a la même étymologie latine ( liberare ) que « libérer », d'où « livraison » et « délivrance ». Se livrer amène à libérer en soi des choses dont on ne se pensait pas capable, toute une dimension qu'on ignorait jusqu'à présent.
On se découvre capable d'aimer, ce qui n'est nullement évident. Cette capacité est quelque chose que nous recevons, et non pas un rayon lumineux que nous pourrions braquer sur tel ou tel objet.
L'amour nous révèle à nous-mêmes. Il nous montre que nous sommes capables de vraiment désirer et de nous lier à une personne.


 
Ce lien proposé ne se réduit donc pas à l'adoption de valeurs ?
 
R. B. : Ah non, alors ! Je m'énerve toujours lorsqu'on parle des « valeurs » chrétiennes. D'abord parce qu'elles sont universelles. Ensuite parce qu'on ne peut pas aimer une valeur, on ne peut pas se lier à elle.
Au contraire, elle nous lie, comme une « obligation ». Si on aime le Christ, les valeurs viendront par surcroît. On n'aura pas besoin de « se faire la morale » : elle viendra toute seule !



Si on accepte ce lien ?
 
R. B. : Si on accepte de se lier à Celui qui a accepté de se laisser lier pour nous.
Le Dieu aux mains clouées est particulier : il ne peut pas les refermer et ne peut que donner. Pour un personnage d'Aristophane, si les statues des dieux païens ont une main tendue, c'est pour recevoir...


 
Ces mains ouvertes du Christ supposeraient d'autres mains ouvertes, celles des hommes ?
 
R. B. :Oui, avec une nuance : je voudrais en finir avec l'idée, présente notamment chez Nietzsche, suivant laquelle Dieu aimerait les gens à condition qu'ils croient en lui. Mais la foi n'est pas la condition pour recevoir, elle est le fait même de recevoir.
Aimer Dieu n'est pas la condition pour que, en échange, il nous pardonne nos péchés.
Ce serait aussi malin que de dire qu'un verre d'eau va étancher ma soif, « à condition » que je le boive. Ou que Dieu nous donne quelque chose « à condition » qu'on le prenne.
La foi est l'accès même à tout ce que Dieu peut nous donner. C'est parce que nous acceptons de le prendre que Dieu peut nous le donner.
Et pour cela, il faut tomber la cuirasse ?
R. B. : Il faut accepter d'avoir quelque chose à recevoir.


De se lier ?
R. B. : Oui, et d'être ainsi les « obligés » de Dieu. L'idée d'obligation prend un tout autre sens, celui de la reconnaissance, de l'acceptation de recevoir. Comme on dit en portugais obrigado pour dire « merci ». Quand on dit merci, on n'a pas encore rendu : on constate que l'on reçoit.


À quelles idoles être attentif aujourd'hui ?
R. B. : Elles ne manquent pas ! Elles ont déjà été dénoncées par les prophètes d'Israël. Tous les lieux de puissance peuvent être idolâtrés. À leur époque, c'étaient les dieux de la fécondité des champs et des troupeaux. Puis ce fut la puissance politique.
Aujourd'hui, la puissance a d'autres visages : la puissance financière, médiatique, celle de la beauté, qui suscite l'envie (plus que le désir).
Et ce qui s'appelait fécondité dans un monde agricole se nomme désormais, dans nos civilisations industrielles, productivité.
Ces nouvelles idoles demandent, à nouveau, des sacrifices humains.
Un seul exemple : qui veut à tout prix faire carrière doit sacrifier sa vie personnelle et familiale. Nos idoles exigent des jeunes gens qu'ils se laissent presser le citron, qu'ils quittent le bureau pour la maison de plus en plus tard, etc.
Face à ces idoles, que dit le christianisme ?
R. B. : Il appelle à la vie, à l'humain. Il défend l'homme contre ces Moloch modernes qui voudraient le mettre à leur service.


Le paradoxe, c'est que ces « Moloch » sont réputés être des lieux d'épanouissement, alors que le christianisme est réputé être un lieu d'asservissement.
R. B. : C'est parfaitement juste, à 180° près...


Comment, dans l'Histoire, le christianisme s'est-il extrait des idoles ?
R. B. : Le terrain avait été abondamment préparé par le judaïsme. Si le christianisme a contribué à la disparition des idoles, c'est en généralisant la polémique que les prophètes d'Israël avaient déjà amplement développée, en la faisant porter par exemple sur l'État romain.
Mais n'oublions pas que le monothéisme ne signifie pas forcément refus de l'idolâtrie, pas plus que le polythéisme ne serait synonyme d'idolâtrie.
Il peut très bien y avoir un monothéisme idolâtrique. Les chrétiens n'y ont pas toujours échappé.
Le danger n'est pas dans le nombre des dieux, mais dans l'idolâtrie. Il ne suffit pas de n'avoir qu'un seul dieu. Certains dieux uniques peuvent être pires que la multiplicité des dieux.
Si vous avez un rapport idolâtrique au divin, il est même moins dangereux de le répartir sur plusieurs idoles.
Ce qui compte, c'est le rapport au divin. Ce qui est important dans le christianisme, et ce qui le distingue d'autres religions, c'est la manière dont Dieu est un. Il est Trinité, c'est-à-dire un dans l'Amour.
À l'instar de l'amour entre les personnes. Non pas en fusion, où les personnes perdraient leur singularité, mais dans l'accord.


Propos recueilli par Frédéric Mounier



EXTRAIT
« Il n'est plus besoIn d'espérer »
« le christianisme, héritier de l'Ancien Testament, a introduit dans la conscience occidentale la représentation biblique d'une histoire non plus cyclique mais linéaire, tendue entre une origine et un accomplissement.
C'est pourtant seulement avec la Modernité que l'idée de progrès s'enracine dans la conscience européenne.
Elle s'installe d'abord à la suite de faits incontestables comme les grandes découvertes, rendues possibles par certaines inventions décisives. La liste de ces conquêtes comme la boussole, l'imprimerie et même la poudre à canon revient sans cesse sous la plume des écrivains de cette époque. (...)
Au siècle des lumières, l'idée de progrès apparaît dans toute sa netteté et désormais privée des représentations qui la nuançaient encore. Là aussi, c'est un fait très réel, une victoire spectaculaire de la science, l'astrophysique newtonienne, qui lui donne sa plausibilité.
Du fait de l'accroissement des connaissances et des techniques, les lumières glissent à l'idée d'une amélioration du genre humain quant à la morale et à la civilisation.
Une vision de l'Histoire animée d'un mouvement quasi spontané vers le meilleur se met en place à partir du milieu du XVIIIème siècle (...). Une étape capitale est franchie au milieu du XIXe siècle avec Darwin. Le progrès est censé devenir un fait constatable, car la théorie de l'évolution fournit une base scientifique (...) En enracinant le progrès dans l'évolution spontanée de la nature, on s'engage dans une dialectique ambiguë.
D'une part, on gagne en sûreté : il n'est plus besoin d'espérer. À la limite, il suffit d'attendre, même s'il vaut mieux aider l'évolution à accoucher de ce dont elle est grosse en poussant dans la bonne direction, voire en dégageant la route des obstacles qui l'encombraient.
Mais, d'autre part, les résultats ne peuvent plus guère être mis au crédit de l'homme, entraîné par un courant dont il n'est pas le maître et qui le dépasse.
Au point qu'on peut se demander si le fleuve qui vient de plus en amont que lui ne le laissera pas un jour sur le rivage, comme une coquille vide.
Nous en sommes là. L'homme de la rue, que nous sommes tous par une dimension de nous-mêmes, ainsi que les sophistes qui lui vendent leur prêt-à-penser, croit encore au progrès. Les gens qui réfléchissent sont plus prudents. »
Extrait de Modérément moderne , de Rémi Brague, Flammarion, 382 p., 21 ¤

Tags : Philosophie, Christianisme
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#Posté le vendredi 29 août 2014 16:51

Modifié le vendredi 29 août 2014 17:18

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