

Au fond, ce questionnement de la science actuelle permet de relancer le dialogue entre Foi et science. Mais ce dialogue doit prendre garde à bien articuler ces domaines, et non les confondre. Par exemple, lorsque nous examinons le rapport entre la Création, au sens biblique, et l'évolution, au sens darwinien. Les deux processus ne se situent pas sur le même plan et ne doivent donc pas être confondus.
La Création est dans l'ordre de la transcendance. En quelque sorte, tout ce qui est « existe » car Dieu le fait être. Alors que le principe de l'évolution nous apprend que tout ce qui est apparu dans le cours de l'histoire de la vie est le fruit de la transformation de l'énergie et de la matière. Il faut donc parvenir à articuler ces deux actions, sans les confondre. Teilhard de Chardin a une belle expression : « Dieu fait les choses se faire. » Dieu ne prend pas son tournevis. Il donne les conditions pour que les choses se fassent. Surtout, le Dieu de l'Alliance donne une autonomie aux créatures, qui poursuivent la création. Dieu n'est ni le fabricant ni le grand horloger. Il crée par sa Parole, dans un Amour gratuit.
Jean-Paul II, dans l'encyclique Fides et ratio, met bien en évidence ces différents niveaux. Il est vrai que l'on peut regretter la tendance de notre société à séparer de manière étanche le domaine de la foi et celui de la science, tendance qui touche d'ailleurs les catholiques eux-mêmes : on est croyant dans l'Église, scientifique dans son laboratoire. C'est faire preuve de fidéisme, et je comprends que le livre veuille lutter contre cela, dans une société qui se méfie du religieux. Mais entre une forme de concordance, qui ramène toute la science à Dieu, et un fidéisme, selon lequel la raison ne nous apprend rien sur la nature vraie des choses, il y a une articulation à faire, dans le respect des différents domaines.
En particulier dans le domaine de la théologie : Dieu n'est pas un fabricant. C'est un Dieu de l'Alliance, qui a créé un monde inachevé, que les créatures doivent continuer. Comme le dit joliment Basile de Césarée : « Dieu a permis à l'homme d'entrer dans l'atelier de la création divine. » Mais il est différent d'une sorte d'intelligence supérieure, « d'intelligent design » qui conduirait inéluctablement le paquebot de l'Univers et de l'humanité. Ou plutôt, c'est l'intelligence de l'amour et du don gratuit, qui inspire et attire cette évolution (d'alpha à oméga). C'est tout le risque de la foi, et de la liberté qu'elle nous donne.
La science ne prouve pas l'inexistence de Dieu, et en cela, le livre a raison. Mais l'inverse est vrai aussi : la science ne prouve pas plus l'existence de Dieu. D'ailleurs quelle serait la foi en un Dieu dont on aurait la preuve scientifique ? Ce ne serait pas la foi... En revanche, nous devons savoir rendre compte de notre foi avec des arguments rationnels, notre raison, dans le contexte des découvertes scientifiques notamment. Parler de l'intelligence du Dieu créateur. Être croyant n'est pas irrationnel.
Recueilli par Isabelle de Gaulmyn
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