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ECCLESIASTE

Il y a un temps pour chaque chose.
Il y a un temps pour naître
et un temps pour mourrir.
Il y a un temps pour pleurer
et un temps pour rire.
Il y a un temps pour se taire
et un temps pour parler.
L'homme traverse la vie comme une ombre.
Celui qui a peur que vienne le vent ou la pluie ne pourra jamais semer ni moissonner.
J'ai découvert aussi que les hommes peinent et s'appliquent dans leur travail uniquement pour réussir mieux que leur voisin.
Cela est aussi inutile que de poursuivre le vent.
Bien sûr, l'insensé qui se croise les bras se laisse mourir de faim.
Mais il vaut mieux s'accorder un peu de repos que s'éreinter à un travail qui n'a pas de sens.
Deux hommes associés sont plus heureux qu'un homme solitaire.
A deux ils tirent un bon profit de leur travail. Si l'un d'eux tombe, l'autre le relève. Par contre celui qui est seul est bien à plaindre, car s'il tombe il n'a personne pour le relever.
Lorsqu'on peut dormir à deux on se tient chaud, alors que celui qui est seul n'arrive pas à se réchauffer.

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Algérie



Algérie


Mohammed Hachemaoui Politologue à Sciences Po (1)


Pour le politologue Mohammed Hachemaoui, cinq ans après l'attaque cérébrale qui a considérablement affaibli le président Abdelaziz Bouteflika, la puissante police politique est plus que jamais aux commandes du pays.

Qui gouverne l'Algérie actuellement ?
Mohammed Hachemaoui : L'accident vasculaire cérébral qui a foudroyé le président Abdelaziz Bouteflika en avril 2013 a mis à nu le régime en révélant au grand jour les institutions qui gouvernent l'Algérie, à savoir la police secrète, l'État profond. Depuis lors s'est mise en place une narration hégémonique qui fait de Saïd Bouteflika, le frère du président, un vice-roi à la tête du clan présidentiel et qui prétend à une destructuration et une décapitation du DRS (département du renseignement et de la sécurité, NDLR), la puissante police politique.

N'est-ce pas crédible ?
Mohammed Hachemaoui : Pourquoi un président attendrait-il d'être affaibli par la maladie pour s'attaquer au monstre institutionnel qu'est le DRS, alors qu'il n'a pu le faire pendant les quinze ans de ses trois premiers mandats ? La légèreté de ce récit fait fi de la grammaire qui structure la politique depuis les fondations de l'Algérie indépendante, à savoir la prévalence du pouvoir de fait sur le pouvoir formel.
Depuis lors, le chef de l'État n'est que la façade institutionnelle qui couvre le DRS et son incontournable patron depuis 1990, le général Mohamed Mediène dit « Toufik ».
 
N'a-t-il pas été limogé en septembre 2015 ?
Mohammed Hachemaoui : Les décrets de sa mise à la retraite et de la nomination de son prétendu successeur, Bachir Tartag, n'ont pas été publiés. Or ils sont indispensables pour mettre fin aux fonctions du patron de l'appareil le plus puissant de l'Algérie et pour asseoir l'autorité de son successeur. Et ce n'est pas parce que la police secrète aurait une nouvelle fois changé de nom – DSS, département de surveillance et de sécurité – qu'elle a été dissoute.
L'élément de langage « dissolution du DRS » est trompeur.

Saïd Bouteflika n'a-t-il pas pris les rênes du pouvoir ?
Mohammed Hachemaoui : Si le frère du président était aussi puissant qu'on le dit, pourquoi se serait-il vu imposer le quatrième mandat et les protégés du DRS aux postes clés du pays, à commencer par Ahmed Ouyahia comme directeur de cabinet de la présidence en 2014 puis comme premier ministre, alors que les relations entre celui-ci et Abdelaziz Bouteflika sont notoirement tendues de longue date.

À qui peut-on penser pour succéder au président ?
Mohammed Hachemaoui : Le premier ministre Ahmed Ouyahia, comparé aux présidents égyptien Sissi et turc Erdogan, symboles d'un autoritarisme décomplexé dont les pays occidentaux s'accommodent, est désigné de longue date, comme je l'avais dit à votre journal lors de la visite du président Hollande à Alger le 15 juin 2015 !
Et l'escale effectuée par le président Macron le 6 décembre dernier a donné une caution internationale à cette succession cousue de fil blanc par l'État profond algérien.
Pendant la décennie noire, ce « DRS boy » a été imposé au général président Zeroual comme directeur de cabinet de la présidence puis chef du gouvernement de 1994 à 1998, période pendant laquelle il a appliqué avec zèle la feuille de route de la contre-révolution prétorienne néolibérale avec thérapie de choc et terrorisme d'État. Il est ensuite ministre de la justice de 1999 à 2003, à l'époque où la politique de l'impunité et de l'oubli sur les crimes des années 1990 est institutionnalisée.
C'est encore lui qui est chef du gouvernement de 2003 à 2006 et de 2008 à 2012 pendant les deuxième et troisième mandats. Et c'est à nouveau lui qui est aux commandes lors du quatrième mandat.
L'élévation du tamazight comme langue officielle dans la Constitution de 2016 et la décision en janvier dernier de décréter le Nouvel An berbère jour férié ont surtout vocation à légitimer en amont l'élection, pour la première fois dans les annales de l'Algérie, du futur président kabyle Ouyahia.
 
La société algérienne ne réagit-elle pas ?
Mohammed Hachemaoui : Depuis la décennie noire, la communauté politique a poursuivi son processus de fragmentation et les institutions civiles de l'État et de la société se sont délitées au rythme des assassinats, des purges, des massacres de populations, des départs en exil des cadres, de l'effondrement de l'école et de l'université, etc.
Et depuis les soulèvements populaires arabes, la police politique est soucieuse de véhiculer une rhétorique réactionnaire sur la futilité de la révolution et ses risques inhérents de bain de sang.
Les intellectuels organiques, la presse dite indépendante qui pullule d'officiers, les partis dits d'opposition ne remettent pas en cause les fondamentaux de l'État garnison qui ont été totalement intériorisés.
Qui revendique la vérité sur l'assassinat du président Boudiaf en 1992 et sur les nombreux assassinats qui égrènent la vie politique algérienne, sur les massacres de populations, sur tous les crimes institutionnalisés ? Qui remet en cause l'intégration de l'Algérie dans le dispositif de l'Otan ?

Quel rôle joue la religion ?
Mohammed Hachemaoui : À la différence des démarches d'un Bourguiba en Tunisie ou d'un Atatürk en Turquie, il n'y a jamais eu la volonté de s'attaquer au système de domination culturel et religieux.
Le FLN avait pour seul but d'arracher l'indépendance et de procéder à la « restauration de l'État souverain algérien » d'avant la colonisation française – là où Messali Hadj, le père de l'indépendance écarté dès 1955 dans un combat fratricide, prônait la lutte contre le féodalisme et l'élection d'une constituante souveraine par un collège unique « sans distinction de race ou de religion ».
Ainsi le régime prétorien, soucieux de ne pas s'aliéner les secteurs conservateurs de la population, fut dès le départ assis sur une contre-révolution. Il a ensuite achevé de fabriquer un fondamentalisme d'un genre nouveau : rigoriste, antipolitique et néolibéral.
 
(1) Auteur de Qui gouverne (réellement) l'Algérie ?, Politique africaine, juin 2016.
 
 
Biography
Mohammed Hachemaoui, Docteur de Sciences Po Paris, est un politiste dont les travaux s'inscrivent dans le sous-champs de la sociologie politique, de l'ethnographie politique et de la politique comparée. Ses recherches portent sur le clientélisme politique, la corruption politique, les armées en politique, l'endurance, la rupture et le changement des institutions autoritaires.
Etudiant et journaliste dans l'Algérie des années 1990, ses travaux sur le clientélisme et la corruption politiques dans le régime autoritaire algérien s'appuient sur des enquêtes ethnographiques au long cours (2000-2012). Procédant par immersion, observation in situ et observation participante, il a ainsi accumulé un matériau ethnographique inédit dans différentes régions et milieus d'Algérie (Tébessa, Adrar, Alger et sa banlieue ; la presse;  l'Assemblée; l'Université). Cette immersion lui a permis par ailleurs de mener des entretiens et des discussions approfondis avec des acteurs clés de la vie politique algérienne dont des généraux-majors, des chefs de gouvernement et des Gouverneurs de la Banque d'Algérie.  
Mohammed Hachemaoui a effectué une enquête de terrain de quatre mois (fin 2012-début 2013) en Tunisie au cours de laquelle il a suivi in situ les travaux à huis clos de certaines commissions de rédaction de la Constitution et interviwé des élus de la Constitutante, des ministres et des acteurs politiques de premier plan. 
Après avoir enseigné à l'Université d'Alger, Mohammed Hachemaoui a été professeur invité dans différentes institutions dont l'EHESS, l'Université Paris 8 et l'Université de Perpignan. Il a été également chercheur invité à la Stiftung Wissenschaft und Politik de Berlin et conférencier invité à Ca' Foscari de Venise et à l'Université Sofia de Tokyo.  Son premier ouvrage Clientélisme et patronage dans l'Algérie contemporaine (Paris, Karthala-Iremam, 2013) a été rencensé dans, entre autres, Critique internationale (juillet-septembre 2015), The Middle East Journal (vol. 70, n° 1, winter 2016), la Revue française de science politique, Confluences Mediterranée, The Journal of North African Studies, REMMM.
 
Tags : Algérie, politique
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#Posté le mercredi 04 avril 2018 02:59

Modifié le mercredi 04 avril 2018 03:16

Les utopies, un monde imaginaire

 
 

Les utopies, un monde imaginaire
Cédric Blanchon/VOZ'Image




L'idée d'une autre société est devenue presque impossible à penser, et d'ailleurs personne n'avance sur le sujet, dans le monde d'aujourd'hui, même l'esquisse d'un concept neuf.
Nous voici condamnés à vivre dans le monde où nous vivons. »
En 1995, François Furet, historien de la Révolution française et ancien militant du PCF, publie Le Passé d'une illusion afin de retracer la mythologie communiste dont il a été l'un des « illusionnistes-illusionnés ».
Expression de rêveries chimériques ou d'une tentation totalitaire, l'utopie est disqualifiée, semble-t-il définitivement.
Trois ans plus tôt, l'essayiste américain Francis Fukuyama a annoncé La Fin de l'histoire, faisant de la chute du mur de Berlin non seulement la fin de la guerre froide mais aussi l'avènement de la démocratie libérale de marché.
Sur la scène politique occidentale, le fameux « Il n'y a pas d'alternative » prononcé pour la première fois par Margaret Thatcher en 1980 s'est d'ailleurs imposé.
TINA est désormais la marque d'un réalisme sans faille, bien loin de « l'utopie libérale » dessinée par les économistes Friedrich Hayek et Milton Friedman.
À consulter les multiples ouvrages consacrés à l'utopie en cette rentrée, les mots de François Furet semblent pourtant d'un autre âge.
Venus d'Allemagne, des Pays-Bas ou encore des ÉtatsUnis, ces essais – dont un best-seller traduit dans le monde entier – viennent s'ajouter à ceux qui, depuis quelques années, remettent
l'alternative au goût du jour. Il faut dire que les raisons de désespérer du monde existant s'accumulent, que l'on considère l'urgence environnementale, l'épuisement démocratique, la crise migratoire ou encore l'inégale répartition des richesses.
En France, pays où le pessimisme atteint des niveaux records, la campagne présidentielle a été, selon certains, le théâtre de ce « retour en utopie ».
« Dans le discours politique qui se radicalise à droite ou à gauche comme dans celui d'Emmanuel Macron, il y a l'idée de créer une nouvelle France, souligne l'historien moderniste Cédric Michon.
Au libéralisme décomplexé ou au populisme de gauche, les Français ont préféré l'utopie raisonnable proposée par Emmanuel Macron : faire travailler ensemble des gens de droite et de gauche pour réformer la France. »
L'échec de Benoît Hamon, qualifé de « sympathique » mais taxé d'« utopisme », interpelle aussi le chercheur: « Ce n'est pas l'utopie souriante qui l'a emporté mais celle, plus radicale, portée par Jean-Luc Mélenchon. »
Surtout, ce spécialiste de la Renaissance voit dans les critiques adressées au candidat socialiste la trace d'un très ancien malentendu.
« L'Utopie de Thomas More et Le Prince de Machiavel, écrits à quelques années d'intervalle, se prêtent tous deux au contresens.
Contrairement au sens donné à l'adjectif machiavélique, Machiavel ne prône pas l'immoralité en politique et contrairement à l'emploi de l'adjectif utopiste pour désigner un doux rêveur, Thomas More cherche des pistes pour améliorer le monde existant, c'est-à-dire l'Angleterre de Henry VIII. »
Dans le royaume appauvri par les guerres menées par Richard III et Henri VII, commence alors le mouvement des enclosures (mouvement de privatisation des terres) qui provoque l'exode urbain de nombreux paysans, livrés
à la mendicité et au vagabondage.
Puisant dans l'héritage antique comme dans l'Ancien et dans le Nouveau Testament, Thomas More est le premier à employer le terme d'utopie en 1516, selon la double acception de non-lieu (outopia) et de bon-lieu (eu-topia).
Après avoir défni les principaux malheurs de son temps que sont le goût du luxe des puissants, l'intolérance religieuse et le manque de justice sociale, il imagine une société libérée de la tyrannie et reposant sur des bases inverses, la fraternité, la simplicité et l'égalité.
Mais pas davantage qu'une chimère, l'utopie n'est pour Thomas More un modèle à suivre à la lettre.
Elle s'apparente plutôt à une manière de raisonner par la fiction, un état d'esprit, « l'aptitude à l'expérimentation
et à la discussion pour améliorer la société, l'ouverture au débat et à la discussion.
Peut-être que l'opposition radicale des sociétés chrétienne et utopienne est tout simplement une invitation au lecteur à examiner les diverses alternatives », écrit encore Cédric Michon, notant que l'auteur de L'Utopie n'explique jamais comment passer d'un monde à l'autre.
C'est d'ailleurs ce point qui nourrira la critique des Lumières à l'orée de la Révolution française.
« Pour Condorcet notamment, c'est dans le temps que s'accomplissent les promesses de progrès et non dans un isolat utopique, souligne l'historien Michel Porret, codirecteur du Dictionnaire critique de l'utopie au temps des
Lumières.
À la fn du XVIIIe siècle, on assiste à une crise de l'utopie.
Au déplacement dans l'espace, Louis-Sébastien Mercier préfère le déplacement dans le temps et l'uchronie lorsqu'il imagine Paris en L'An 2440.
Surtout, Swift comme Voltaire se moquent de ces mondes parfaits où l'homme reste en dehors de sa responsabilité historique. Il faut au contraire travailler “ce” jardin. » Si l'écriture utopique use de la fiction, c'est
désormais pour éclairer le législateur et poursuivre dans le réel une rénovation sociale et politique.
De cette espérance naîtront les utopies socialiste et anarchiste au XIXe siècle. L'utopie devient l'horizon de l'Histoire et pour certains, il convient de se rapprocher au plus vite du règne de la liberté.
À échelle réduite, on cherche à réaliser la cité idéale, des phalanstères de Charles Fourier aux communautés d'Étienne Cabet aux ÉtatsUnis. « Ces utopies intègrent la dimension industrielle et génèrent des expérimentations en vrai, analyse le philosophe Thierry Paquot.
Nombreux sont les groupes d'Utopiens et d'Utopiennes qui partent vivre différemment aux États-Unis, au Brésil, au Mexique.
Mais en pratique, ces alternatives survivent difficilement à la disparition du leader comme à l'exigence d'égalité
de revenu ou de liberté sexuelle. »
À plus grande échelle, les dérives totalitaires du siècle suivant achèvent de refermer la page ouverte à la fin du XVIIIe siècle et de renvoyer l'idée même d'utopie aux abominations passées.
S'ouvre le temps des dystopies et des sociétés imaginaires où tout empêche l'accès au bonheur.
En ce début de XXIe siècle, l'emploi du mot interroge donc, d'autant qu'il est affublé d'un adjectif détonant : les utopies se conjuguent au pluriel et se disent « réelles ».
Aux planifications uniformisantes qui ont jadis tourné au cauchemar, ces nouvelles utopies préfèrent la multiplicité mouvante des expériences.
Quand le philosophe Axel Honneth, figure majeure de l'École de Francfort, tente de retrouver les « énergies utopiques taries » derrière l'idée de socialisme, il appelle ainsi à recenser et multiplier sans cesse les expérimentations d'une autre forme de vie en société.
Selon le philosophe, seul ce socialisme à vocation expérimentale peut aujourd'hui convaincre l'ensemble des citoyens que « la liberté individuelle peut se réaliser non pas au détriment mais à l'aide de la solidarité ».
Aux risques de la révolution et aux déceptions de la réforme, ces nouvelles utopies préfèrent la stratégie de l'infltration et de l'érosion : « Il s'agit de modifer un écosystème (le capitalisme) en y introduisant une espèce
étrangère (les utopies réelles) et de chercher à créer dans l'étang capitaliste les conditions nécessaires
à l'épanouissement des espèces en question », résume ainsi le sociologue américain Erik Olin Wright
par une métaphore biologique.
En ces temps de pragmatisme, certains qualifient même ces nouvelles utopies de « réalistes » et
prétendent asseoir leur légitimité sur l'évaluation scientifique des expériences déjà menées dans le
monde: revenu de base universel, ouverture des frontières, semaine de 15 heures...
Études d'impact en main, ces nouveaux Utopiens n'hésitent pas utiliser l'argument
financierpour appeler à la généralisation de ces mesures: il coûte moins cher de « résoudre » le problème du mal-logement que de le « gérer », soutient par exemple l'essayiste néerlandais Rutger Bregman.
Que reste-t-il de l'utopie dans ce qui s'apparente parfois à un programme politique dont les propositions auraient été « testées » pour être plus crédibles?
L'espoir d'un monde meilleur, « qui renaît aujourd'hui après quarante ans de consumérisme et de déprise religieuse », répond Michel Porret.
Et peut-être ce que Thomas More, cinq cents ans plus tôt, tentait d'insuffler à ses contemporains: la capacité à examiner et expérimenter des alternatives, une ouverture d'esprit « utopiste » qui tente de répondre aux maux du temps.
« Il paraît toujours de bon ton de récuser toute utopie, jugée fantaisiste, irréalisable et même dangereuse !
se désole Thierry Paquot. Mais comment ½uvrer pour changer les choses sans auparavant l'avoir rêvé ? »
Béatrice Bouniol
 
Les utopies, un monde imaginaire
 
 
« Sans utopie, nous sommes perdus »


Rutger Bregman
historien et journaliste néerlandais


à 29 ans, l'historien formule de nouvelles propositions utopiques, envisageables à court terme.

Son essai, best-seller aux Pays-Bas et au Royaume-Uni, est traduit dans 17 langues.


«Les utopies en disent toujours plus sur l'époque qui les imagine que sur ce qu'elles tiennent réellement en réserve », écrivez-vous. Que dit ce retour de l'utopie de notre époque ?
Rutger Bregman : Prenons les trois propositions principales de mon livre : le revenu de base universel, la semaine de 15 heures et l'ouverture des frontières.

Toutes disent en effet quelque chose de notre époque.
La première tente d'apporter une réponse à la paupérisation de millions de personnes dans nos sociétés par ailleurs de plus en plus riches et au fait qu'un tiers des salariés, y compris parmi les plus diplômés, doutent du sens et de l'utilité de leur travail.
La seconde prend en compte les problèmes de production de CO2 comme celui de la disparité des richesses.
Quant à l'ouverture des frontières aux travailleurs migrants, même limitée, elle constitue une lutte
contre la pauvreté bien plus efficace que les aides au développement.


Votre livre fait un tour d'horizon des expérimentations passées ou actuelles, menées à petite ou moyenne échelle. Comment répondez-vous à l'objection selon laquelle elles seraient impossibles à généraliser ?
R. B. : Il y a encore cinq ans, l'idée d'un revenu de base universel était totalement oubliée.
Aujourd'hui, les gouvernements canadien, finlandais ou la Silicon Valley s'y intéressent, l'Écosse
vient tout juste d'annoncer le lancement d'une expérience et Hillary Clinton, dans son dernier livre, avoue qu'elle a envisagé d'intégrer cette mesure à son programme et qu'elle regrette que l'idée ait été rejetée par son équipe de campagne. Voici comment l'utopie change peu à peu le monde : les idées naissent à la marge puis gagnent peu à peu le centre et leurs expérimentations passent de l'échelle locale à l'échelle nationale. Et c'est un processus bien plus rapide qu'on ne le pense.

Un récent sondage au Royaume-Uni a relevé qu'une majorité de Britanniques étaient favorables au revenu de base universel. Ce résultat a surpris tout le monde, moi le premier !

Lors de la dernière campagne présidentielle française, Benoît Hamon a été qualifié « d'utopiste » de manière péjorative.
Comment comprenez-vous le scepticisme avec lequel a été accueillie cette idée ?
R. B. : Benoît Hamon est sans doute allé trop vite en besogne.
L'idée était encore assez méconnue en France et peut-être ne l'a-t-il pas présentée correctement.
Pour aborder ce sujet, il faut savoir parler des expériences qui ont déjà eu lieu, se réapproprier
le vocabulaire autour de ces sujets et ne plus se contenter de dire qu'il faut aider les pauvres.

Deux points sont à souligner en particulier : premièrement, le revenu universel est un investissement
qui s'autofinance par la baisse des frais de santé, des taux de criminalité, l'augmentation des taux
de réussite scolaire, etc.

Deuxièmement, il permet de libérer quantité d'ambitions et d'énergies : les individus s'autorisent à
changer de travail, de lieu de vie, à lancer des entreprises, etc.


Le temps de la campagne, et le temps politique en général, n'est pas toujours propice à de tels développements. Comment les « utopies réalistes » peuvent-elles s'imposer ?
R. B. : Dans les pays riches,
il y a deux types d'action politique possibles : procéder à des expériences plus nombreuses, à plus grande échelle d'une part ; rendre les systèmes actuels plus universels d'autre part.

L'État providence est aujourd'hui très bureaucratisé et humiliant, il faut montrer patte blanche pour
obtenir la moindre allocation.
Étape par étape, il est possible d'y introduire des aides sans condition. Mais de toute façon, à un
moment, il faudra effectuer un grand saut. Certains pays l'ont déjà fait en adoptant un système
de santé universel par exemple.
Aujourd'hui, on a les preuves tangibles que le revenu de base universel fonctionne et pour la première fois dans l'histoire, nous en avons les moyens.
Cette mesure peut être considérée comme le couronnement du capitalisme, en ceci qu'elle donne
à chacun la liberté de décider ce qu'il veut faire.
Vous faites parfois preuve de moins d'optimisme...
Vous jugez par exemple que nous sommes plongés dans un état comateux que même la crise financière de 2008 n'a pas interrompu...
R. B. : Il faut faire preuve de patience, c'est certain. Je suis historien et j'ai 29 ans, ce qui me
donne l'impression d'avoir tout le temps ! Je pense que dans dix
ou quinze ans, la situation peut être tout autre. Les hommes et femmes politiques passent,
ce sont les idées qui guident le monde.

Au début des années 1960, le débat sur le revenu de base universel démarre aux États-Unis et au Canada.
À la fin de la décennie, tout le monde sur l'échiquier politique y est favorable et Richard Nixon lui-même défend l'idée dans les années 1970. En dix ans, l'Amérique est passée d'une éthique protestante à une tout autre conception du travail !
Faut-il réhabiliter l'imagination en politique ?
R. B. : Des millions de personnes dans le monde aspirent à ce qu'on leur redonne espoir.

La gauche est coupable de n'avoir pas su proposer d'alternative crédible au capitalisme débridé.
Aux États-Unis, Hillary Clinton a échoué face à Trump qui a vendu un rêve, certes sombre, aux Amé-
ricains.

Et en France, Emmanuel Macron a gagné en utilisant le vocabulaire du progrès, voire de l'utopie.
Ces deux victoires montrent à quel point les citoyens ont soif de changement.
Le problème de la gauche, mais aussi du centre et des « progressistes »,
c'est de ne pas être assez radicaux. Sans utopie, nous sommes perdus.

Ce n'est pas que le pré- sent soit mauvais, au contraire.
Mais il est morne si nous n'avons pas d'espoir de l'améliorer.
Recueilli par Béatrice Bouniol

 
Tags : politique, Philosophie
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#Posté le samedi 30 septembre 2017 06:15

Modifié le samedi 30 septembre 2017 08:15

Le multilatéralisme a-t-il un avenir ?

 
 
Le multilatéralisme a-t-il un avenir ?
 
Les Etats prendront conscience de son utilité


Bertrand Badie
Professeur des universités à Sciences-Po
 
L a conjoncture n'est pas favorable au multilatéralisme dans la mesure où on assiste à une forme de mondialisation des expressions souverainistes.
Le nationalisme agit aujourd'hui comme un facteur de blocage, exactement comme la guerre froide dans les
années 1950 et 1960.
Le multilatéralisme ne concerne pas seulement la sécurité politico-militaire dans le monde mais aussi le secteur beaucoup plus vaste, fonctionnel et efficace de la gouvernance globale.
Par ailleurs, les dirigeants des États prennent conscience que, dans un certain nombre de secteurs clés liés à la
mondialisation, le passage par le multilatéral est indispensable.
Lorsque le transport aérien s'est développé au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il a fallu mettre en place un régime international de l'aviation civile, donc un certain nombre de conventions et d'organisations, sans lesquelles des milliers d'avions ne pourraient pas décoller chaque jour dans le monde.
Chose intéressante, ces régimes spécialisés impliquent autant la Corée du Nord que les États-Unis, l'Iran ou la Chine.
L'affirmation souverainiste s'efface à partir du moment où une utilité apparaît et où le multilatéralisme répond à un besoin irrépressible. Le grand enjeu des prochaines décennies sera de faire entrer d'autres secteurs, notamment l'environnement, dans cet espace de nécessité multilatérale.
De ce point de vue, la COP21 a été un succès: des États ont pris conscience du fait que les problèmes écologiques doivent être traités au-delà de la souveraineté.
Autre exemple de réussite, la gouvernance collective orchestrée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qui a réussi à éradiquer la variole dans le monde.
La difficulté est de faire entrer la sécurité collective dans ce raisonnement utilitaire.
À partir de quel seuil des puissances souveraines ont-elles le sentiment qu'un abandon d'une part de leur souveraineté est utile à la réalisation de leurs objectifs politiques et diplomatiques?
Le Conseil de sécurité ne peut fonctionner qu'à partir du moment où les États prennent conscience que dans le monde interdépendant d'aujourd'hui la puissance et le cavalier seul aboutissent à des échecs et que l'intervention de puissance est plus coûteuse que rémunératrice.
Autre écueil: plus on entre dans la mondialisation, plus le petit a les moyens d'échapper à la pression à travers des stratégies de déviance. Le monde apolaire donne à l'autonomie des petits – la Corée du Nord, Israël ou le Zimbabwe pour ne citer que ces exemples –, une capacité qui défie à la foi les jeux de puissance et le multilaté-
ralisme.
Le multilatéralisme doit penser la régulation en termes de fonction, c'est-à-dire en associant les acteurs concernés par un problème pour trouver une solution.
Recueilli par François d'Alançon
 
On ne conclut plus de grands traités multilatéraux
 
Serge Sur Professeur émérite à l'université Panthéon-Assas,
rédacteur en chef de la revue Questions internationales de La Documentation française
 
L e constat est clair : le dynamisme de la coopération multilatérale est à peu près arrêté.
Depuis près de deux décennies, on ne conclut plus de grands traités multilatéraux.
Celui de la COP21 est le dernier en date, mais les obligations qu'il contient ne sont pas contraignantes.
C'est un multilatéralisme déclaratoire, un peu dégradé par rapport aux grandes conventions antérieures.
Je pense par exemple à la convention de Montego Bay sur le droit de la mer en 1982 ou encore celle sur les armes chimiques de 1993, qui dispose de régimes d'interdiction et de vérification très complets.
Deuxième phénomène, les traités en vigueur sont plus ou moins affaiblis.
Le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1970 n'a pas empêché l'Inde, le Pakistan ou encore la Corée du Nord d'accéder au statut de puissance nucléaire.
Celui sur l'espace extra-atmosphérique de 1967 qui gouverne les activités spatiales aurait besoin d'être aménagé, mais il ne peut pas être réactualisé sous peine d'être détricoté.
La paralysie, voire la régression, de la dynamique multilatérale tient en bonne partie à l'attitude des États-Unis qui préfèrent la loi américaine à la loi internationale.
Le gouvernement américain n'a pas ratifé les grandes conventions, celle de Montego Bay par
exemple, ou encore le traité de Rome sur la Cour pénale internationale, prenant même des mesures pour que ses ressortissants ne puissent pas être poursuivis.
Plus récemment, Donald Trump a rejeté la COP21, le partenariat transpacifique, ou encore l'accord de libre-échange américain.
Précisons que ce comportement n'est pas récent: il est lié à une tendance de fond de la diplomatie des États-Unis.
Un des premiers exemples contemporains d'action unilatérale a été la décision du président Nixon de rompre les
accords de Bretton Woods en 1971, supprimant la convertibilité du dollar en or, ce qui a dynamité le
système monétaire international.
Au cours des trente dernières années, la première puissance mondiale a défendu par ailleurs un
unilatéralisme belliqueux.
Après avoir cherché une couverture de l'ONU durant la première guerre du Golfe (1991), la Maison-Blanche
a agi de son propre gré au Kosovo ou en Irak.
Ce mode de fonctionnement a entraîné des réactions identiques chez d'autres grandes puissances, les dédouanant en quelque sorte de leur propre tentation d'intervenir sans tenir compte des autres nations. L'unilatéralisme russe a pu être observé en Géorgie en 2008 ou encore en Ukraine en 2014 avec l'annexion de la Crimée et la déstabilisation du Donbass.
La Chine fait également pression sur les États de la mer de Chine en rejetant les accords internationaux.
Les grandes puissances privilégient désormais les coalitions, les négociations bilatérales ou régionales, bref des coopérations internationales inégalitaires.
Recueilli par Olivier Tallès
 
Tags : politique, multiculturalisme
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#Posté le jeudi 21 septembre 2017 06:25

Modifié le jeudi 21 septembre 2017 08:29

Peut-on être bienveillant en politique ?

 
 
Peut-on être bienveillant en politique ?
Emmanuel Macron avec ses ministres Nicolas Hulot et Francoise Nyssen . Philippe Wojazer/Ap


La bienveillance tente une entrée en politique


S'inspirant en partie de la « psychologie positive » qui connaît un grand succès depuis les années
2000, le principe de « bienveillance » mis en avant par Emmanuel Macron ambitionne de renouveler nos
m½urs politiques.
 Ce 31 mars 2016, le ministre de l'économie a réuni une quinzaine de convives à Bercy. Dans quelques jours,-
Emmanuel Macron annoncera le lancement d' En marche !
À ses proches collaborateurs et ses premiers fidèles, il demande d'entretenir « la bienveillance » entre
eux et de la porter vers l'extérieur.
« Cela avait marqué tous les esprits », se souvient un des participants. La bienveillance, ce mot si étranger au registre politique, devait devenir la marque du candidat qui, en meeting, arrêtait les
sifflets des noms de ses concurrents.
Celle d'un président qui, sitôt élu, promit de servir le pays « avec amour ».

Pour comprendre cette irruption de générosité dans une France grincheuse et belliqueuse, il faut commencer par un détour outre-Atlantique.
Au début des années 2000, des travaux scientifiques font émerger le concept de « psychologie positive » qui
désigne l'ensemble des études traitant des conditions et processus permettant le développement optimal des individus et des groupes.
En s'appuyant sur des principes comme l'altruisme, l'empathie ou la confiance, la discipline va connaître un succès médiatique pour devenir, dans sa forme dévoyée et réductrice, une sorte de psychologie du bonheur.
Mais, dans le champ éducatif ou celui des ressources humaines, les travaux sérieux se multiplient.
En 2009 est créée à Nanterre l'Association francophone de psychologie positive sous la houlette de l'universitaire Jacques Lecomte. « Ce qui nous intéresse, c'est l'impact sociétal que peuvent avoir un ensemble de pratiques, de comportements.
La coopération plutôt que la compétition à l'école,la confiance plutôt que le rapport de force dans l'entreprise... »
Dans Révolution, le livre du candidat Macron, le mot bienveillance apparaît à deux reprises dans les premiers chapitres.
Quand il évoque le travail de son professeur d'histoire, Fran- çois Dosse, qui lui fit rencontrer le philosophe Paul Ric½ur, puis quand il rend hommage à sa femme Brigitte, enseignante de latin et de lettres.
Et ce n'est pas un hasard si le nouveau président a fait appel à l'éditrice Françoise Nyssen pour en faire sa ministre de la culture.
Avec son mari, elle a fondé en 2015 une école alternative à la suite du suicide de leur fils. L'établissement repose précisément sur les principes de « l'éducation bienveillante ».
Respect du rythme des enfants, priorité donnée à la qualité des relations humaines, absence de notes
et de compétition...
Mais l'arène politique n'est pas une cour d'école. Emmanuel Macron peut-il ériger en mode d'exercice du pouvoir un concept des sciences sociales ?
Le 10 avril 2016, sur France 2, il y voyait « une règle de vie, pour les femmes et pour les hommes, comme pour
les structures ».
Cette dernière mention a retenu l'attention de Jacques Lecomte. « C'est un changement d'échelle, mais il n'y a pas de raison pour que cette approche ne puisse pas être fondatrice d'un projet de société », veut-il croire.
Les esprits, de fait, évoluent vite et la crise de confiance entre les citoyens et les politiques crée un appel d'air. « Il y a quelques années, cela aurait fait rire », assure le docteur en psychologie.
On se souvient des moqueries qui avaient accompagné en 2005 l'invocation de la « positive attitude »
par le premier ministre Raffarin, reprenant le titre d'une chanson de la star des ados Lorie.
Douze ans plus tard, Emmanuel Macron semble mieux s'en sortir avec sa bienveillance, même si l'expression est, elle aussi, « piégeuse ». Elle semble renvoyer tout à la fois à un sentiment, un comportement, une vertu morale ou spirituelle...
On peut en donner pas mal de défnitions selon les contextes et les cultures », observe Boris Cyrulnik qui en parle comme d'une « attitude émotionnelle ».
Le psychiatre a connu Emmanuel Macron en 2007 au sein de la commission Attali sur la libération de la croissance. Il avait été « impressionné » par sa personnalité, « mélange de gentillesse et de fermeté »,
et sa capacité à faire avancer les débats entre des personnalités d'horizons différents.
Loin d'un concept creux, la bienveillance peut ainsi être le cadre « d'un système d'élaboration à partir des outils de la pensée », indique Boris Cyrulnik.
Soit l'inverse d'une « organisation totalitaire, qui ne laisse pas de place à la discussion mais seulement à la
récitation ».
Désormais au pouvoir, le nouveau président tente de donner forme à sa bienveillance. D'abord avec des visages, comme celui de Nicolas Hulot, qui incarne le bon camarade capable de travailler avec les autres, l'inverse
d'un sectarisme écologiste.
Puis avec des règles de fonctionnement comme la collaboration entre les cabinets et la haute administration.
 Lors du premier conseil des ministres, le président leur a déclaré : « Vous avez ma totale approbation. À vous de prendre les décisions qui vous paraissent les plus appropriées. » Confiance, délégation, coopération, arbitrage...
L'homme qui prétend dépasser le clivage droite-gauche, renouveler les m½urs archaïques de la vie politique basées sur le rapport de force et l'affrontement, veut remettre de l'horizontalité dans l'exercice du pouvoir et de la verticalité dans l'autorité de l'État, dont il sera le dépositaire.
Cette ambition d'un grand renouvellement de l'art de gouverner résistera-t-elle à l'épreuve des faits ?
Après l'état de grâce, les épreuves ne tarderont pas : des affaires impliquant des membres du gouvernement ; de l'indiscipline au sein de sa majorité pléthorique mais hétérogène à l'Assemblée ; de mauvais résultats
économiques ou encore la colère de la rue contre celui qui entend réformer le droit du travail à coups d'ordonnances...
Sans attendre cette épreuve des faits, des membres de l'ancienne majorité dénoncent une « posture » chez celui qui n'hésita pas à trahir François Hollande.
« Man½uvrier », « autoritaire », « rude » sont les mots qui reviennent dans la bouche de ses opposants pour décrire le nouveau président au style « bonapartiste ».
Mais, au-delà d'un mode d'exercice du pouvoir, la bienveillance est aussi contestée sur le fond.
À gauche, on voit dans la formule une vulgaire recette du capitalisme anglo-saxon pour accroître la rentabilité des entreprises.
Le politologue Vincent Martigny, dans Télérama, dénonce un cocktail « de discours managérial et de sermon évangélique ».
Alors que les progrès sociaux ou sociétaux sont arrachés par les rapports de force, cette attitude viderait de sa substance l'acte politique. À droite de l'échiquier politique, la bienveillance est honnie pour d'autres raisons.
On lui reproche de ne pas voir le risque de dérives communautaristes dans la société multiculturelle que le
président défend.
Durant la campagne présidentielle, le candidat d' En marche! a en effet prôné un modèle républicain à la fois ferme et ouvert, préférant le terme d'inclusion à celui d'assimilation ou même d'intégration.
Pour l'heure, il reste toutefois encore difficile de dire jusqu'à quel point la bienveillance marquera une ligne politique.
Sur le plan social, celui qui veut concilier l'efficacité économique et la protection des plus fragiles insiste sur la place que doivent prendre tous les citoyens dans une société juste.
Une approche qui n'est pas sans rappeler le « care » de Martine Aubry, en 2010.
Cette formule que l'on peut traduire par « prendre soin » partait d'une analyse sur les limites de l'État providence.
Les grands systèmes de protection sociale qui reposaient sur des droits créances (j'ai droit à...) ont promu une solidarité « froide ». Le « care » tente de réintroduire des formes de solidarité « chaude », l'implication
réciproque de tous pour prendre soin les uns des autres. Il engage une disposition morale, une capacité à faire preuve d'empathie, de sollicitude.
Pour le disciple de Paul Ric½ur, la bienveillance sera-t-elle une autre façon de remettre le care en chantier ? L'enjeu est immense pour un pays traversé de multiples tensions. Comme le souligne Jacques Lecomte, « la fraternité est la grande perdante de notre trilogie républicaine ».
Bernard Gorce

Guillaume Le Blanc rappelle le sens de la bienveillance et éclaire l'usage politique qu'en fait le nouveau président de la République.


Guillaume Le Blanc
Philosophe
Peut-on être bienveillant en politique ?

Quelle défnition philosophique peut-on donner de la bienveillance ?
 Guillaume Le Blanc : La bienveillance est un postulat : la relation à autrui ne repose pas seulement sur le calcul, l'intérêt voire une forme de méfiance, mais il est possible d'avoir un lien de bonté avec l'autre.
Cette tradition de pensée s'inscrit dans une histoire des sentiments moraux qui remonte au XVIIIe siècle.
En réaction à la théorie de Thomas Hobbes de la guerre de tous contre tous, des philosophes pensent alors l'existence d'une sociabilité naturelle, construite sur la sympathie – chez Adam Smith – ou la pitié – chez Rousseau.
C'est cette idée qui fonde la bienveillance : l'homme peut se mettre à la place de son semblable, s'identifier à ce qu'il est et ainsi lui venir en aide.
Quel usage politique peut-on faire aujourd'hui de la bienveillance ?
G. L. B. : Il est double. Tout d'abord, contre les courants identitaires qui dressent un portrait simplifié et caricatural de l'autre.
Ensuite, contre le discours d'une certaine gauche qui insiste sur la nécessité de produire du conflit et institue pour ce faire amis et ennemis.Face à ces deux extrêmes, la bienveillance repose au contraire sur l'idée que l'univers politique est celui du commun – ou tout au moins de la poursuite du commun –, ce qui présuppose l'absence d'un partage entre amis et ennemis.
Ce qui n'en fait pas pour autant un raisonnement lénifiant fait de sentimentalisme.
Selon l'étymologie même du mot, la bienveillance consiste à« veiller » au « bien », à en faire l'objet d'une veille, d'un souci.
Elle implique donc de reconnaître qu'il existe du mal et que le bien n'est pas donné mais à construire.
Lorsque Emmanuel Macron réagit par exemple au retrait des États-Unis de l'accord de Paris sur le climat, il souligne l'importance de veiller au bien de la planète face au nouveau mal politique que représentent
l'ignorance ou le cynisme.
L'enjeu de la bienveillance résume à cette question : comment combattre le mal qui nous sépare du bien ?
À quel sens de la bienveillance Emmanuel Macron se réfère-t-il ?
G. L. B. : Emmanuel Macron n'est pas le seul à y avoir fait souvent allusion durant la campagne – Benoît Hamon s'est aussi présenté comme le candidat de la bienveillance.
Mais là où la gauche a porté un discours du « soin », de la sollicitude envers les plus vulnérables – le care –, le candidat d' En marche ! l'a déplacé vers une autre notion phare de la philosophie anglo-saxonne, celle d'empowerment.
Il conçoit la bienveillance comme une confiance en la « capacité d'agir » des gens, en la libération de leur puissance et en la mise en mouvement de la société.
Pour reprendre le même exemple, face au retrait de Donald Trump, le président français a exhorté les Américains à continuer à agir pour la préservation de la planète, chez eux ou en France.
Avec la victoire d'Emmanuel Macron, nous sommes passés du socialisme du care plus ou moins libéral à un libéralisme de l'empowerment plus ou moins social, dont la bienveillance est le maître instrument.
Comment faire de cette conviction une politique ?
G. L. B. : C'est là qu'il faut prêter attention au double sens de la bienveillance, à la fois compréhension de la vulnérabilité de l'autre et confiance en sa capacité d'agir. Si Emmanuel Macron s'inscrit résolument dans la seconde philosophie, tout l'enjeu des mois à venir tient à la nécessité de ne pas abandonner totalement la première conception et à tenir compte aussi de la situation des plus fragiles.
Puisqu'elle vise à vaincre la conflictualité, une politique bienveillante postule en outre la capacité de chaque individu à formuler un point de vue raisonnable et fait du dialogue une base de travail indispensable.
Le président sera aussi jugé à l'aune de cette dernière conviction, héritée du philosophe Paul Ric½ur qui écrivait dans La Critique et la Conviction : « Le maximum de ce que j'ai à demander à autrui, ce n'est pas d'adhérer à ce que je crois vrai, mais de donner ses meilleurs arguments. »
Recueilli par Béatrice Bouniol




Tags : politique, Philosophie
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#Posté le vendredi 30 juin 2017 13:38

Modifié le samedi 01 juillet 2017 02:34

François Sureau, Emmanuel Macron, une philosophie politique ?

 
 
François Sureau,  Emmanuel Macron, une philosophie politique ?

Macron, une philosophie politique ?
François Sureau
 
 
 
La passation des pouvoirs républicaine est au sacre des rois ce que le mariage civil est au mariage religieux : un peu plus qu'un pastiche, un peu moins qu'une copie, un décalque où entre peut-être un peu de nostalgie.
Dans le cérémonial des rois, cependant, on voit peu de militaires, et c'est la « main de justice » qui a le meilleur emploi.
La République, née de la guerre et affermie dans l'Empire, aligne au contraire, de manière incongrue, des soldats sous les armes dans les jardins de l'hôtel particulier d'une ancienne cocotte et en attend une promesse de grandeur.
Quoi qu'il en soit, comme tous ceux qui ont servi, j'y suis sensible et la façon dont le nouveau président passe devant le rang revêt à mes yeux de l'importance. Emmanuel Macron était lent, tête haute, et regardait les soldats dans les yeux, comme on doit. Je ne sais pas ce que deviendra ce quinquennat, mais j'ai aimé ces regards.
Emmanuel Macron me paraît être le seul parmi nos hommes politiques récents qui se soit interrogé sur le problème que pose la Révolution française à notre pratique du pouvoir, dans la mesure où elle combine le régicide fondateur et une conception de la souveraineté populaire qui s'incarne tantôt dans le gouvernement d'assemblée, tantôt dans l'émeute.
Il n'est pas interdit de penser, par exemple, que les propos « ouverts » qu'il tient sur la société et l'intégration viennent de son goût inavoué pour une construction politique où, le sacré s'incarnant dans la personne du roi et non dans le peuple, celui-ci admet plus facilement des différences, de langues, d'origines ou de religion, qui ne remettent pas en cause la solidité, la cohérence de la société politique.
On a relevé la manière dont, dans une interview, Macron avait parlé du « fauteuil vide du roi» comme problème central de notre vie collective. Dans son livre, au titre ambigu de Révolution, la République n'est pas décrite comme le régime de la lumière succédant à l'ombre, la garantie absolue des droits, le signe de tout progrès.
Elle n'est pour lui, comme pour Michelet, Lavisse ou de Gaulle, que la forme moderne d'un désir d'émancipation bien plus ancien, qui la transcende. « Notre destin est de renouer le fil de cette histoire qui nous voit, depuis plus de mille ans, tenir dans le concert des nations cette place incomparable. »
À l'inverse, la République peut trahir cet héritage, par la colonisation, ou, plus récemment, lorsqu'elle substitue aux anciens privilèges l'accumulation des rentes bureaucratiques.
Son livre relève impitoyablement les erreurs, les fautes et les crimes du gouvernement républicain, le moindre n'étant pas d'avoir abdiqué la liberté entre les mains d'un vieux maréchal.
C'est que la République est pour lui, non le fétiche si souvent brandi par les discoureurs, mais l'incarnation actuelle d'un honneur collectif venu de plus loin et porté par une promesse de dignité de la personne.
Cela étant dit, l'analyse faite, il lui reste à appliquer cette philosophie.
La Révolution a eu deux effets : provoquer le soupçon permanent d'illégitimité du pouvoir, et l'apparition d'une droite et d'une gauche, c'est-à-dire la dislocation de la nation politique au moment même où l'on affirmait que son principe réside dans sa souveraineté.
Depuis 1789, toute notre vie politique consiste à résoudre cette équation. L'option la plus fructueuse est en général l'option centriste, qui peut prendre plusieurs formes, de la recherche du groupe central à l'exclusion, ou l'inclusion des extrêmes.
Le bonapartisme, qui est la forme militaire du centrisme, a combiné à peu près toutes ces figures et reste en définitive le régime préféré des Français, qui ne cessent de plébisciter dans les sondages « la cohabitation » ou l'« union nationale » pour ce seul motif.
Le centre ne tient que par l'arrangement ou par le mouvement. L'arrangement le tue : s'il s'entend, soit principalement avec la droite, soit principalement avec la gauche, il cesse d'être le centre et de présenter un quelconque intérêt.
Telle est la raison pour laquelle les discussions d'alcôve et de ruelle avec les rescapés de l'inepte vie politique que nous connaissons depuis vingt ans, vieux et jeunes confondus, ne présente à mes yeux qu'un intérêt très limité.
Le mouvement s'impose donc. Ici la nouveauté tient à ce que le nouveau pouvoir devra trouver le mouvement en lui-même. Il n'y sera pas conduit ou aidé par des circonstances extérieures, fatigue post-révolutionnaire au temps du Consulat, troubles de la guerre d'Algérie en 1958.
Macron sait sans doute la part qui lui revient. Selon que le titulaire du « principat centriste » sera endormi ou réveillé, imaginatif ou réactif, le centre prendra l'aspect du marais poitevin ou celui de la pointe du Raz.
Pourtant, ce serait une erreur de tout attendre de l'exécutif. Au fond, c'est au peuple, c'est-à-dire à chacun d'entre nous, de lui donner non seulement par son vote mais par son engagement, ce point d'appui qu'il ne trouvera pas dans les événements extérieurs.
Il est là, le sens des élections législatives qui viennent.
 
 
Tags : politique, EN MARCHE
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#Posté le mardi 16 mai 2017 17:23

Modifié le mercredi 17 mai 2017 03:57

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